Page 38 - catalogue 2017
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Projections 3. Cinéma UGC



Emilie PIGEARD, Encore un gros lapin?, 7min (ENSAD, Fr.)


Souvent le souvenir d’enfance se plaît à la carte de la tendresse
ou à la cruauté de cet âge de découvertes, rarement il se lance
aussi revigorant en une tonitruante insolence. Celui-ci déjoue les
attentes car, s’ouvrant canoniquement et gentiment sur une scène
de flm de famille où en longue robe ou chemise de nuit, l’auteure-
enfant extrait deux lapins d’une poussette ou y dépose, le couvrant
de bisous, son préféré ; très vite, très composite, en médium et
style, il nous exclut de cette mignonne saynète, en fracassant les
oreilles de ses cris quand elle comprend que son préféré lui est
servi à table. Le crayonné, au diapason, exagère les traits, ceux
de son visage hurlant, ceux de son père qui mastique ou d’autres
mimiques. Objets et maison sont croqués faisant mine de copier les dessins d’enfant, petits sans perspective ou
inversement, immenses comme les oreilles du lapin atteignant le ciel ou celles du chien de substitution que l’enfant
prend, précisément à cause de la longueur de ses appendices, pour le « encore un gros lapin ». Le dessin bouge,
la couleur en hachures est franche.
L’auteure, elle-même, n’échappe pas à son tracé volontairement hâtif, ni dans le passé en enfant gribouillée, ni
dans son autoportrait actuel alors que, de retour dans sa famille, elle recherche le chien ici - en tondant la pelouse
des plus hautes - et ailleurs, avec une variante dans l’exagération, puisqu’elle porte sa quête dans le frmament,
avec une variante dans l’humour puisque son tracé singulier fait allusion à 2001, L’Odyssée de l’espace qui refuse
pourtant le lapin dans son bestiaire.

Simone Dompeyre


Antonio POCE et Valerio MURAT, Nuvolari, 4min50 (Ital.)

Nuvolari impose l’hapax d’« intermédia » réclamé par Antonio
Poce tant s’avèrent indissociables la chair des mots, le corps vif
de l’image mouvementée et la pulsion de la voix vive. D’emblée,
la voix sife sur des couleurs en fashes, elle gère la temporalité
véloce, écho de l’homme dont il s’agit, le champion automobile
Nuvolari.
Dans l’interstice iconique, un graphème calligraphié, en plein et
délié, se fait prémices des deux haïkus de Giovanni Fontana qui
bruite lui-même le poème audiovisuel. Difcile à saisir - quand
leur sens s’entend cependant - les mots le disputent aux images
référentielles, footage de course automobile, où le numéro 7 de
Nuvolari est privilégié. L’image de la course, elle, inscrit une page
écrite et ses moments alternent avec les fragments des mots.
En trois vers, ils relient le lieu de la naissance Castel d’Ario, toponyme si proche de l’aria, et les fulgurances que
retient aussi le nom du champion.
En efet, les mots que son talent de coureur induit se font l’écho de son patronyme. En lui Nuvolari : nuvole in fuga,
comme nivola vole... autant de nuages en fuite. Et qu’un avion traverse l’espace avant toute automobile, entraîne
cette représentation de l’intrépidité, du dépassement des compétences humaines. Nuvolari reste, en efet, l’une
des plus grandes légendes de la course italienne - en oubliant la période brune sous laquelle il gagna puisque - de
1927 à 1939.

L’insert de la une du journal implique la réalité de la notoriété, de même que la focalisation sur son véhicule, ses
plans rapprochés, poitrine, de profl ou de face, sous le casque de cuir que portent alors les conducteurs de voiture
ou d’avion.
Les couleurs débordent l’espace, cela clignote comme les pellicules des premiers temps, le temps d’avant le temps
des distinctions des vues. Les plans se culbutent et se redressent comme la voiture sait retrouver, après un tête-
à-queue, sur la piste. Ils dépassent le documentum en avérant l’exemplum de la maîtrise de la technique par
l’intelligence sportive.
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