Page 36 - catalogue 2017
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Projections 3. Cinéma UGC
Albert MERINO, Imago Typhonis, 10min (Esp.)
Imago Typhonis est une traversée entre deux espaces de pensée qui se font écho tout en se dissociant et s’annulant
l’un l’autre. Imaginé à partir d’un poème de Fernando Valverde, datant du XVIIème siècle et dont la particularité
consiste à opérer une relecture de récits d’origine andins en les juxtaposant à des récits similaires puisés dans la
mythologie gréco-latine, ce flm révèle un étrange processus de désappropriation et de dénégation de la singularité
propre d’un peuple à inventer sa propre histoire par une mise en abyme des images et de leurs signifcations.
Imago Typhonis est le refet où se noient
les personnages chimériques de récits
menacés par leur propre anéantissement.
Le dédoublement des fgures opéré par
les analogies entre monstres chimériques
et demi-dieux au visage animal, provoque
d’étranges renversements où l’anormalité
est devenue la norme, et clôt ce monde sur
lui-même en une image du chaos. Perdus
dans les miroitements fantomatiques de
paysages luminescents aux contours
imprécis en de longues processions ne
menant qu’à d’autres ailleurs impalpables,
les fgures dérivent dans une presque immobilité alors le temps semble non plus simplement suspendu mais tout
simplement inexistant. Mélancoliques et envoûtants, les plans se succèdent en de longues traversées énigmatiques
où les fgures de ces mythes et croyances des temps anciens se confondent et se superposent comme happés par
une insondable impuissance.
Pourtant, celui à l’animalité humaine, qui clôt le flm sur la contemplation d’un paysage où se profle en arrière-plan,
l’une des grandes cités du peuple des Andes, sait, à se tenir dans cet espace symbolique entre le mythe et le réel,
que les imaginaires des mondes polythéistes ont survécu par-delà leur apparente extinction.
Sandrine Deumier
Frédéric MOFFET, Postface, 7min20 (Vidéographe, Can.)
Hollywood assignait un rôle à un acteur, grand amoureux ou
séductrice, personnalité responsable ou second couteau. Le jeune
premier était l’homme BEAU, aimable au sens XVllème siècle - celui
que l’on ne peut qu’aimer, dans la capacité à être aimé, pourtant
la pincée d’inquiétude du regard de Montgomery Clift faisait
signe vers une personnalité plus contrastée. L’Amérique d’alors
l’obligeait à cacher son homosexualité ; l’alcool et les médicaments
lui parurent un refuge avant de devenir addiction. Défguré et le
visage à demi paralysé à la suite d’un accident, pendant qu’il
tourne L’Arbre de vie d’Edward Dmytryk, il ne termine le tournage
qu’après une intervention de chirurgie esthétique. Très afaibli, avant qu’une crise cardiaque ne l’emporte à 45 ans,
il ne survit qu’une dizaine d’années, durant lesquelles il joue dans Soudain l’été dernier - un médecin d’un hôpital
psychiatrique et non pas le jeune homme perturbé du scénario - puis dans Le Bal des maudits avant que Kazan ne
le choisisse pour Le Fleuve sauvage ou, que sous la direction de Huston, il façonne un Freud tourmenté.
Fréderic Mofet connaît la flmographie de Montgomery Clift et les conséquences de l’accident.
Il les transforme en destin numérique; Hollywood se grefe à tel point sur l’homme, qu’il en est hanté... qu’il n’a pas
d’issue hors de ses images. Cet hommage se tisse avec du flmique, même les paroles sont celles des flms. Les
flms divers, de scenarii divers, de réalisateurs divers donnent des bribes de la vie de l’homme; pris par ces rôles,
il ne s’en dépêtre pas.
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