Page 35 - catalogue 2017
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3. Cinéma UGC Projections




ou font la ronde parfois remplacés par les os que la belle-mère caricaturée en sorcière utilise pour connaître l’avenir
ou lancer quelque sort.
Le type d’images varie tout autant que leur manière de montage : êtres vivants en prise de vue dont les volailles,
incrustation d’images dont les volailles, corps détourés mais aussi footage d’une bande de chevaux sauvages, en
surcadrage ou saturant le champ, mais aussi cavaliers d’un jeu d’échecs ayant force de déplacement mais aussi
des scènes « flle et belle-mère » - plein champ ou en surcadrage, unique ou réitérée - où celle-ci teste celle-là, flle
écrivant dans les toilettes et os réels puis en images de synthèse comme outils divinatoires.
Ainsi se tisse un roman d’initiation avec le jeu d’échec en métaphore flée de la relation des deux femmes dont la plus
jeune fantasme la mort de l’autre avec l’inquiétude d’être elle-aussi menacée : le corps au sol est successivement
celui de l’une et de l’autre... Elle entre dans la salle de séjour en cascades, le montage réitérant sa venue avec
variations d’axe.
Le trait est rude en ce qui concerne la méchante marâtre venue en ligne droite des contes cruels, prête à supprimer
sa charmante jeune belle-flle ; elle pourrait naître de l’invention de l’adolescente écrivant qui n’hésite pas à provoquer
l’image ridicule de la marâtre en poulet y compris dans sa gestuelle.
En émule du poète de sept ans rimbaldien, pour échapper aux yeux de sa mère, la jeune flle se réfugie en ce
lieu désuet, aux planches disjointes et où est épinglée l’image d’une statue équestre romaine qui a pu susciter
l’implication des chevaux parmi ses rêveries et écritures, de même que la bogue de châtaigne tombée près d’elle
devient ce « virus » en synthèse autour duquel tournent les fgurines-chevaux. Elle y passe son temps, elle s’y
enferme jusqu’à sa décision de quitter la maison avec son banjo. Le dernier plan, sans changement de registre, lui
accorde ce temps pour disparaître dans un autre monde… mais ce sera un autre opus de David Finkelstein et/ou
encore l’impulsion rimbaldienne pour quitter le lieu familial, sans rien, partir pour partir, cela s’appelle «La Bohème»
quand on part « les poings dans ses poches crevées… »

Simone Dompeyre
Alan LAKE, Ravages, 13min58 (SPIRA, Can.)

Ravages tisse une sorte de récit abstrait qui invite à plonger dans
l’univers brut et fragile d’une épopée où l’humain se confronterait
à ce qui est périssable ou immuable. Cette vidéo-danse est
portée par une intensité cosmique, celle de corps-paysages se
heurtant aux intempéries, se regroupant pour mieux résister et qui
s’apaisent, ensemble, au creux des accalmies.
Leurs mouvements se sédimentent, avant de dessiner des territoires
intérieurs qui s’auscultent et se fouillent couche après couche pour
en extraire la mémoire. Voués à une incessante métamorphose,
ils s’avèrent les témoins sensibles du perpétuel tremblement des
choses. Au fl du temps, l’ordre et le désordre se succèdent, comme
la sédimentation et l’éclosion, le tragique se teinte de légèreté, le laid et le sublime se confondent. Peu à peu, la
nature se renouvelle ; les humains se réinventent et les uns comme les autres portent la trace des saisons de la vie.





Lamathilde, Fade in grey, 28sec (GIV, Can.)
Trente secondes et un fait vidéographique, temps réel ; une idée
si simple qu’elle en devient patente. Selon son projet de réveiller
au quotidien souvent non vu, Lamathilde la fait cette idée, en se
faisant le plaisir partagé du jeu de mots : Fade in grey comme
un syntagme de montage : fondu au gris, à savoir le glissement
vers un autre plan par cette couleur. Ce gris, c’est celui de la
réverbération de la neige flmée, le fondu c’est celui de la glissade
de cette jeune femme en combinaison de ski, imperméable, qui
arrive dans le champ, s’assoit et se laisse glisser sur les fesses,
vers la pente. De dos, se coucher sur la pente en neige le chien
aboie, il suit ce faux traîneau.
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