Page 112 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018

Projections Cinéma Le Cratère

sonorisent l’espace, ils s’approchent, s’embrassent ; la « mare » circonscrite s’ouvre
aux dimensions de la mer qui achève le film sur son reflux. Le Mikvé n’est pas un
espace rituel où se purifier, il est la métonymie de la réalité amoureuse hors toute
religion.

Simone Dompeyre

Alain Escalle, D’après le naufrage / Le conte du monde flottant1

9min / 24min | France

C’est l’histoire d’un homme qui se souvient de ce qu’il vit ce 8 août 1945, date qui
changea sa vie et celle de son pays et celle du monde. Cela rappelle les mots de
Chris Marker, les mots de La Jetée, à l’incipit mémorable : « Ceci est l’histoire d’un
homme marqué par une image d’enfance », mémorable comme l’est l’explicit puisque
l’homme y comprend que cette image n’était autre que celle de sa propre mort.

D’après le naufrage répond avec Le conte du monde
flottant à cette hantise de la catastrophe, qui pousse
Alain Escalle à écrire ses films. Par le premier, il revient à
l’histoire du naufrage qui fit scandale et dont le Radeau
de la méduse que Géricault peignit, après une réelle
enquête, atteste qu’il est consécutif à l’incompétence
du commandant du navire. Géricault rencontra deux des
rares hommes à avoir échappé à la mort, sur un radeau sommaire après que les
nobles se furent sauvés dans les embarcations de sauvetage, et qui ne survécurent
qu’en recourant à l’anthropophagie ; il se rendit à la morgue pour plus de véracité dans
les corps peints, construisit une maquette de radeau pour calculer sa composition.

Alain Escalle ne cherche pas à informer ni sur le naufrage ni sur la peinture. Il compose
en changement de tonalités, sonore que portent jusqu’à l’accent du drame, violoncelle
et violon, visuelle selon une poétique obscure et cruelle qui module les variations du
regard d’abord dans l’expectative puis expression de l’effroi, de l’horreur alors le très
gros plan l’écarquille ; qui module les variations des corps d’abord flottant en plans
sous-marins, comme caressés, attrapés, sauvés puis agrippés, attaqués, tordus,
détruits.

L’allusif prime ; des cordages dessinés en mouvement se superposant à une toile
blanche réelle, gonflée sous le vent, une proue vue en contre-plongée, les flots
et l’océan vide suffisent pour répondre au « d’après le naufrage » titrologique.

1 D’après le naufrage a été programmé dans le cadre de l’Atelier au cinéma ABC le vendredi 9 mars 2018,
tandis que Le conte du monde flottant fait partie de la programmation au cinéma Le Cratère ce même jour.

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