Page 113 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
P. 113
Cinéma Le Cratère Projections
Le cannibalisme attire la réitération de dents, mauvaises, de bouche s’ouvrant, de
sang perlé en un tempo accéléré et un feu antagoniste de cette eau qui n’a rien de
lustral.
La lumière à l’horizon signale l’arrivée possible mais le fondu au noir arrête toute
proposition autre que cette ambiance mortifère, réellement terrible. Le terrible est
la loi.
Le conte du monde flottant revient, en 2001,
aux bombardements de la bombe atomique
sur Hiroshima et Nagasaki : « une lumière
éblouissante envahit les côtes du monde
flottant. Un homme se souvient. Le choc, un
souffle violent. Des corps qui s’étirent dans la
douleur, les rêves du passé dans le présent,
des visions du futur dans le passé. L’enfant qu’il était avant. Avant que la lumière ne
tonne. Avant que le monde ne se trouble. »
Le monde ainsi touché, c’est un Japon, ancré dans la tradition, qui surgit ou se
glisse dans le champ ; cette vidéo, et elle l’augure par son titre, fait obédience aux
monogatari, dans la lignée des Contes de la Lune Vague après la Pluie/Ugetsu
Monagatari de Mizoguchi, mais sans accepter de ligne narrative, en poésie allusive,
en images rimes s’incluant dans des lieux anachroniques. La vidéo n’informe pas, elle
provoque le souvenir et l’émotion en esthétiques mouvements.
Le mono/chose et gatari de hataru : parler, raconter, narrer, réciter se traduit par
contes, récits, dits ou chroniques, alors que très tôt, dès l’an 1000, le genre littéraire
qui suit la tradition orale décline des contes d’inspiration fantastique ainsi le Kaguya-
hime no monogatari/Le Conte de la princesse Kaguya, princesse de la lune exilée sur
la terre ; des chroniques comme Ise Monogatari qui suit les voyages et événements
de la vie du poète Narihita et le roman Genji Monogatari de Murasaki Shikibu, qui
s’intéresse à la société et la cour japonaise du xe siècle.
Le monogatari d’Alain Escalle mêle les registres – il convoque le film historique et
guerrier ; les Jidai-geki où la guerre prouve le désir sans fin de gloire et de pouvoir sur
l’autre – et les époques par la violence qui, à chaque fois, détruit l’harmonie. La vie et
la beauté sont assaillies par la brutalité guerrière… américaine pour 1945 Hiroshima
mais tout autant japonaise pour les époques Muromachi, à sa fin à partir de 14671, et
1 dit « l’âge de la subversion », quand les provinces s’affrontent pour leur indépendance, que les troubles
se généralisent changeant les commandements et les modes de vie.
113